Les processus créatifs

Nous venons de voir que sa démarche artistique de Philippe Mailliez est solidement argumentée, qu'elle évolue avec cohérence depuis 1995, Que penser alors de la diversité de ses productions ? Est-ce la diversité des processus créatifs qui l'amène à produire des OEuvres parfois assez différentes les unes des autres ?
 Il varie les processus selon le lieu. À chaque lieu, une OEuvre. il n'existe donc pas un processus unique de création. Nous pouvons néanmoins analyser les OEuvres qu'il a présentée ces dernières an- nées ainsi que les projets qu'il a soumis pour essayer de comprendre quels sont les détours, les cheminements de pensée qui ont mené l'artiste du Lieu à l'OEuvre.

1996 première présentation de son travail lié au lieu: Pornic une transformation des cabines de bain en oratoires et des actions répétitives, le temps d'une marée mettant en évidence le recouvre- ment par la mer de cet espace indéfini : l'estran. Il présente conjointement des séries de frottages et de fiches signalétiques des morceaux d'épaves qu'il ramasse depuis 95 dans ce lieu.

1997 la suite de ce travail est présenté sur la même plage. Philippe Mailliez jalonne l'estran de seaux de plastique bleu dans lesquels il a prélevé l'eau de l'océan et qu'il dispose à l'endroit précis où la vague meurt. Il dessine ainsi une ligne qui restera jusqu'à la marée suivante. il joint à cette action de jalonnement une série d'empreintes des morceaux d'épave qu'il continue à ramasser et à répertorier .

1998 la conclusion de ce travail est proposée à Paimboeuf, tous les morceaux d'épave ramassés depuis 95 sont assemblés en forme de bateaux et retournent vers la mer. Parallèlement il propose un travail sur le balisage de l'estuaire de la Loire ( celui précisément que l'on peut voir du lieu d'exposition).

1998 dans la salle blanche du hangar il propose sa première installation avec vidéo. il filme le combat que se livrent un bateau de pêche amarré et une bouée de signalisation du chenal, juste en face du lieu d'exposition. il filme alors la renverse du courant. Phénomène bien connu mais pourtant difficilement observable. il montre ainsi que l'Art permet une vision différente et peut-être plus juste de la nature des Choses (De Natura Rerum) ...Cette renverse lui permet de réfléchir et de faire réfléchir sur le passage de l'espoir au désespoir en y associant des objets (balises, amarres et seaux) et deux textes: le récit du naufrage de la Méduse, construite à Paimboeuf et dont le radeau est célèbre et un texte de Roland Barthes sur le bateau ivre de Rimbaud.

juin 1999 À Asnières sur Vègre, il propose sa deuxième installation vidéo, de longs paquets d'algues jonchent le sol face à un écran sur lequel défile l'eau de la Vègre. Il photographie les cheveux des peintres présents dans la ville lors de la manifestation et les range de long de cette chevelure de Naïade. Cette installation par un jeu d 'heures affichées sur l'écran, sur un réveil et sur les photos, traite du temps qui passe et par extension de la contemporanéité, elle est complétée par un parcours dans la ville, jalonné de photos présentées in situ.

juin 2000 A Asnières sur Vègre, il produit un ensemble de dessins réalisés avec de l'anthracite ou de/ la terre, ou de la chaux(, de photos, et installe des assiettes dans le village contenant des tas de pigments historiques (anthracite, terre, chaux, sable, marbre ...). Sa production et lieu (son histoire: la découverte de gisements d'anthracite, les fours à chaux, le chaulage des terres et l'appauvrissement de celles-ci par excès après un demi-siècle de cette pratique) sont ici intimement liés. Philippe Mailliez traite, là, en exploitant l'histoire et les matériaux du lieu, de l'illusion du modernisme liée à la cupidité de l'être humain et de ses erreurs progressistes. la cohérence était si forte que le phénomène de "raisonnance" de .la part de ceux qui ont vu cette installation n'a pas eu de difficultés à apparaître.

Projets
Trois projets n'ont pas encore été réalisés le premier à Paimboeuf, le second à Guise et le troisième à St Brévin.

Le projet de Paimboeuf se nomme "Embarquement pour l'enfer". L'idée de lier le fleuve, la mort, et la naissance provient d'une découverte de Philippe Mailliez le long de la Loire. Il a découvert en se promenant des pierres tombales, au milieu des rochers endiguant le fleuve. De là il a poussé sa réflexion sur la mort, en y associant les torchères des raffineries de pétrole de Donges de l'autre côté du fleuve, ainsi que les épaves de bateau qui se découvrent non loin de la salle d'exposition. Tous ces éléments du paysage sont mis alors en relation dans un espace artistique (salle d'exposition) l'espace conceptuel devient alors si grand qu'il déborde de la salle et englobe le site lui-même. Les questions que se posent le spectateur deviennent tellement intimes et angoissantes que l'on ne ressortira pas indemne de cet "embarquement" si toute fois ce projet se réalise.

En 2001 l'enlèvement par la mairie des tombes, suite à cette découverte) implique une modification en profondeur, le lieu ayant changé... A poursuivre : une nouvelle orientation : la mort d'Ophélie dans Hamlet de Shakespeare


Le projet de Guise est d'une toute autre envergure. Philippe Mailliez avait relevé le défi de présenter un projet artistique abandonnant complètement le milieu aquatique, et transposant sa démarche dans un lieu social et industriel. C'est un projet ambitieux composé de trois installations différentes et simultanées dans les trois cours intérieures du Familistère. Pour cela il s'est longuement documenté sur la vie, l'oeuvre et les idées de Godin, il a séjourné à plusieurs reprises dans la ville, a rencontré les habitants ...Le projet est directement centré sur l'être humain, y associant les références historiques "de l'essor industriel du XIXème siècle et les idées politiques de Godin...

Le projet "Méduse(s)" pour la plage de St Brévin est un prolongement du processus de 97 (jalonnement de l'estran par des seaux) , il est lié à un lieu d'échouage de méduses, jalonnement sur un kilomètre. fi présentera conjointement des séries de photos des méduses (l'animal) et des Méduses (portraits de personnes aux traits de Gorgones), mettant en place une réflexion sur la "mort plate" que Roland Barthes propose pour qualifier la Photographie.

Le projet "la peau des murs" pour 2001 à Macquigny (O2) où il pense faire un parallèle
entre les murs de l'église fortifiée et la peau et ses traces cicatricielles, en partant des écrits de Merleau Ponty

Toutes ces réalisations et projets ont fait l'objet de dossiers etcatalogues illustrés de textes, de photos et de coupures de presse.

 

llustrés de textes, de photos et de coupures de presse.

 

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