14 nivôse de l’an III,

le soleil est pâle, il fait froid.

Le sang coagule lentement sur le sol.

Les corps ne seront retirés que ce soir.

L’Exemple !

Les chouans viennent de prendre 9 âmes.

 

22 avril 2005, je marche dans les rues d’Asnières.

Le soleil brille.

Un car vient de vomir sa horde de touristes allemands.

Ils passent dans la rue du 14 nivôse sans vraiment regarder.

Et pourtant…

Derrière eux se dessinent des ombres.

Le passé est toujours là. Il nous colle aux semelles sans que nous y prenions garde.

Que reste-t-il ?

Une plaque sur un mur. Quelques archives poussiéreuses… Une pièce de théâtre…

On pourrait se demander ce que seraient notre mémoire sans les artistes ?

Triste, jaunie, fanée, stérile… ?

 

Que reste-t-il des luttes politiques ? La démocratie est dévoyée. Les puissants l’ont apprivoisée, détournée, contournée. Les privilèges sont toujours là et les gens meurent dans les rues.

Les corps ne sont que des taches noires immatérielles et mouvantes.

Heureusement il y a encore un soleil, même en janvier.

Les guerres et les révolutions se succèdent, Guernica reste la dernière peinture d’histoire.

 

Derrière nous se dessinent des ombres.

Des personnages épousent le sol, les murs. La végétation même projette des spectres sur notre présent. Il faut restaurer notre mémoire comme on a restauré le temple.

 

Ils travaillaient le chanvre ou la pierre, ils étaient tisserands, marbrier, filtoutier, bordager, poupelier…

Sous les touches de mon clavier, il y a des mots oubliés.

Poitevin et Martin se sont-ils tenu la main ?

Legendre a-t-il pleuré ?

Que sont devenus les souvenirs de Galbrun ?

Cointereau avait-il dans les yeux les images de son enfance ?

Teillé père et fils n’avaient pas pensé à tisser le chanvre  pour s’en faire des costumes de « super héros ».

Renault avait des doutes, certainement, des regrets sûrement, des remords, peut-être.

A qui pensait Guérin au moment fatidique ?

 

Derrière moi se dessinent des ombres.

Je me souviens…

De quoi puis-je me souvenir ?

 

Derrière moi se dessinent des ombres.

Je déterre les corps et mes souvenirs d’enfance me reviennent, dorés et magnifiques.

 

Philippe Mailliez