installation
salle blanche du Hangar
Paimboeuf
du 03 au 11 octobre 1998
Installation dans la salle blanche
Un bateau, assemblage de morceaux d'épaves, transportant un
téléviseur, est placé entre une balise, simple planche de bois, provenant
d'on ne sait quel naufrage, érigée comme un totem, munie d'une haussière
arrachée et d'un seau rempli de sable à laquelle est associé un texte
retraçant la dérive du radeau de la "Méduse" et une grosse amarre
sectionnée, elle aussi, mais libre de toute attache, n'emprisonnant qu'un seau
rempli d'eau et associée à un texte de Roland Barthes sur le bateau ivre de
Rimbeau. Au centre un troisième texte de l'artiste indique sa position :
"j'attends
..."
Le film passant sur l'écran est un plan fixe de la Loire, vue
du Hangar, de plus d'une heure trente. Le cadrage est incliné mais la position
du téléviseur dans le bateau rectifie l'horizontale.
Rien ne se passe ...à première vue.
Il s'agit en réalité d'une lutte de pouvoir entre un bateau de pêche amarré
et une des balises vertes du chenal, du rapport à la fois tendu et intime entre
l'embarcation vide et une signalisation impérieuse.
Entre la 34 ème et la 35 ème minute du film c'est le coup de
théâtre,
le navire reste impassible mais la bouée cède: elle passe, seule, derrière le
bateau.
C'est la renverse.
C'est cet instant où le courant change de sens qui va nous
donner à réfléchir. Il nous oblige à émettre de nouvelles hypothèses quant
à la présence des trois textes, à donner un sens, à donner du sens.
Il nous invite à tisser des liens entre trois positions :
Celle du drame, du malheur dû à une haussière
sectionnée lors du remorquage du radeau de la Méduse,
Celle de Roland Barthes qui nous parle de liberté, de
voyage et de bateau ivre,
et Celle de l'artiste qui "attend..."
Philippe Mailliez n'impose pas, ne propose pas, il incite. L'œuvre n'est pas ce qu'on voit. L'œuvre est dans le cheminement de l'autre, de celui qui perçoit et qui reçoit ses traces comme des indices, comme des balises à sa pensée.
C'est un attentisme provocant.
Il nous indique avec précision les paramètres de son
attente: date, heure et lieu mais nous donne une justification onirique de cette
attente, rêvant à Rimbaud et à Wagner ...
On retrouve là une des caractéristiques de son travail depuis 95, celle de
lier la précision et le vague, l'estran et la vague, le paramétré et
l'aléatoire, le lieu et ses réflexions sur le temps qui passe.
Il nous donne ainsi sa définition de l'instant, le "Maintenant" de
Wastlawick : cet instant charnière entre son passé désespérant et ses
visions utopistes de l'avenir.
Paimboeuf, le 2 octobre 1998