Jalonnement 2
méduse(s)
"La Mort plate"
Le travail présenté ici est à situer à la suite du travail
effectué pour l'exposition "jalonnement" sur la plage de grandes
vallées de Sainte Marie sur mer le 06 juillet 1997.
Il entre dans ma démarche artistique depuis 95 qui lie intimement la production
et le lieu.
Le projet "méduse(s)" a été pensé pour la plage de Saint Brévin
l'océan, et cette spécificité est un des principes de cette démarche : un
lieu, un projet, une production.
Parallèlement à ce projet j'ai déposé à l'OTSI de Paimboeuf un projet
d'exposition intitulé "Ophélie
ou l'Embarquement pour l'Enfer" qui prend comme
référence l'embarquement pour Cythère de Watteau. Or, à propos de la pièce
de théâtre "Méduse, scène de naufrage" présenté le 10 avril 1992
à Tourcoing, Jacques Henric (l'auteur) écrit à Paul Laurent (le metteur en
scène) :
"Vous
étonnerai-je avec mon hypothèse: Géricault nous raconte d'un bout à l'autre
de son oeuvre les catastrophes dues à une terrible tempête sexuelle. Au XVIII
ème siècle, on voit s'embarquer, guillerets, hommes et femmes pour Cythère.
Au XIX ème, voyez ce qui nous revient, le joli bateau et son équipage ont subi
un méchant coup de torchon. "
cf:
Art Press n o 168, p 57
Mon travail, s'il n'est pas une confirmation directe de
l'hypothèse de Henric, l'éclaire cependant d'une lumière nouvelle.
N.B. La frégate "la Méduse" a été construite
à Paimboeuf.
Reprise de la démarche & ajustement
CREATION D'UN PROJET SPECIFIQUE A
SAINT BRÉVIN
L 'action
Marquer la ligne de la dernière vague sur 1 kilomètre à l'aide de 100 jalons
(seaux d'eau). J'aurais pu appeler cette action- exposition " Jalonnement
puissance 2" en élevant ainsi au carré les paramètres retenus pour
"Jalonnement" sur la plage de Pornic. Et pourquoi ne pas imaginer un
"Jalonnement puissance 3" sur les immenses
plages des Landes ou de la côte d'opale (62) ? voire "puissance n" à
l'échelle de la planète à la manière de Christo ...
Il s'agit ici de faire correspondre cette action avec le lieu spécifique de la
plage de Saint Brévin l'Océan, plage qui, ces dernières années a été le
lieu de nombreux échouages de méduses.
Compléter cette action, susciter la réflexion par une exposition en un autre
lieu (salle d'exposition) et en un autre temps (1 à 2 semaines) des éléments
ou pièces de cette action. La réflexion proposée sera plus intense et pourra
prendre, comme nous le verrons plus loin, des directions nouvelles en différant
cette manifestation par rapport à la présence réelle des méduses sur la
plage.
Objectifs de l'action
Lier les préoccupations artistiques (travail sur la mémoire, la trace,
l'épave ...) et le lieu dans sa topologie (longue plage de sable sans rochers
ni obstacles) et dans son histoire (lieu d'échouage de méduses).
Jalonner l'estran, fixer le temps, l'indécision des vagues
Marquer l'imprécis, écrire l'ineffable, métrer l'indicible
C'est un travail sur la scansion de la limite: Dessiner C'est un travail de recouvrement : Peindre
C'est une réflexion sur la zone incertaine, sur le passage du
sec à l'humide, de l'humide au mouillé, du mouillé au submergé, du submergé
au noyé, du noyé à l'échoué Zone d'échouage (les méduses)
Je m'échoue.
J'échoue.
C'est une action sur le temps, qu'on arrête, qu'on suspend, qu'on retrouve.
C'est un travail sur la mémoire et l'éphémère ...
Les jalons
100 seaux de plastique, (le seau sorte d'objet récurent dans mes travaux depuis
95) remplis d'eau de mer dans lesquels flottent sur des morceaux d'épave
(provenant peut-être du radeau de la Méduse ?) sur lesquels sont punaisées
les phrases d'un texte de Roland BARTHES (Le même auteur qu'à Pornic) sur la
pétrification photographique: "la Mort plate"
La Photo-portrait est un champ clos de forces. Quatre
imaginaires s'y croisent, s'y affrontent, s'y déforment. Devant l'objectif; je
suis à la fois: celui que je me crois, celui que je voudrais qu'on me croie,
celui que le photographe me croit, et celui dont il se sert pour exhiber son
art. Autrement dit, action bizarre: je ne cesse de m'imiter, et c'est pour cela
que chaque fois que je me fais (que je me laisse)
photographier, je suis immanquablement frôlé par une sensation
d'inauthenticité, parfois d'imposture (comme peuvent en donner certains
cauchemars). Imaginairement, la Photographie (celle dont j'ai l'intention)
représente ce moment subtil où, à vrai dire, je ne suis ni un sujet, ni un
objet, mais plutôt un sujet qui se sent devenir un objet: je vis alors une
micro expérience de la mort (de la parenthèse) :je deviens vraiment spectre.
Le photographe le sait bien et lui même a peur (fût-ce pour des raisons
commerciales) de cette mort dans laquelle son geste va m'embaumer. Rien ne
serait plus drôle (si l'on n'en était pas la victime passive, le plastron
disait Sade) que les contorsions des photographes pour "faire vivant"
: pauvres idées: on me fait asseoir devant mes pinceaux, on me fait poser
devant un escalier parce qu'un groupe d'enfants joue derrière moi, on avise un
banc et aussitôt (quelle aubaine) on me fait asseoir dessus. On dirait que,
terrifié, le photographe doit lutter énormément pour que la Photographie ne
soit pas la Mort. Mais moi, déjà objet, je ne lutte pas. je pressens que de ce
mauvais rêve il faudra me réveiller encore plus durement; car ce que la
société fait de ma photo, ce qu'elle y lit, je ne sais pas (de toute façon,
il y a tant de lectures d'un même visage); mais lorsque je me découvre sur le
produit de cette opération, ce que je vois c'est que je suis devenu Tout-/mage,
c'est à dire la Mort en personne; les autres -l'Autre -me déproprient de
moi-même, ils font de moi, avec férocité, un objet, ils me tiennent à merci,
à disposition, rangé dans un fichier, préparé pour tous trucages subtils ...
...C'est la façon dont notre temps assume la Mort: sous l'alibi dégénéra te
ur de l'éperdument vivant, dont le Photographe est en quelque sorte le
professionnel. Car la Photographie, historiquement, doit avoir quelque rapport
avec la "crise de mort" qui commence dans la seconde moitié du XIX
ème siècle; et je préférerais pour ma part qu'au lieu de replacer sans cesse
l'avènement de la Photographie dans son contexte social et économique, on
s'interrogeât aussi sur le lien anthropologique de la Mort et de la nouvelle
image. Car la Mort dans une société, il faut bien qu'elle soit quelque part;
si elle n'est plus (ou est moins) dans le religieux, elle doit être ailleurs:
peut-être dans cette image qui produit la Mort en voulant conserver la vie.
Contemporaine du recul des rites, la Photographie correspondrait peut-être à
l'intrusion, dans notre société moderne, d'une Mort asymbolique, hors
religion, hors rituel, sorte de plongée brusque dans la Mort littérale. La
Vie/la Mort: le paradigme se réduit à un simple déclic, celui qui sépare la
pose initiale du papier final. Avec la Photographie, nous entrons dans la Mort
plate.
Roland BARTHES La chambre claire
Principe du jalonnement
1) Ranger les jalons dans l'ordre sur la plage (préparatifs). À marée
descendante :
2) "Poser les jalons." sur 1 kilomètre (un seau tous les 10 mètres) (Remplir le seau d'eau de mer et le déposer à l'endroit précis où la vague s'arrête de monter puis se déplacer latéralement.)
3) Marquer ainsi une ligne (le jalonnement).
Baliser l'estran qui devient l'espace possible, voire disponible, d'échouage,
phase ultime d'un hypothétique naufrage.
L'échouage des méduses à une certaine époque de l'année sur cette même
plage devient un réfèrent et permet d'ancrer le travail artistique dans le
lieu par son histoire (sorte d'adéquation historique par le signe).
Devenir ainsi le géomètre de l'indécis (flux, reflux), le baliseur funeste,
le naufrageur ...
4) Déposer ensuite dans chaque seau le morceau d'épave dans l'ordre du texte.
5) La vidange, le vidage des seaux quand la mer remonte et
atteint le seau (le temps des marées). Vider les seaux c'est rendre à la mer
"l'échantillon", c'est annuler la suspension du temps ...
Le vidage des seaux se fait à rebours. C'est le dernier seau rempli qui sera le
premier vidé car c'est celui là que la mer montante aura atteint le premier.
Il y a là une mesure à la fois du temps (le premier, le dernier) et de
l'espace (l'estran). Il y a un O virtuel qui peut être soit la marée haute (la
laisse) soit la marée basse au moment de l'étale. Ce O est donc différent de
celui des cartes.
Découpage du texte
Découpage du texte en 100 morceaux
(sorte de morceaux d'épave du texte)
1) La Photo-portrait / 2) est un champ clos de forces. / 3) Quatre imaginaires s'y croisent,
/ 4) s'y affrontent, / 5) s'y déforment. / 6) Devant l'objectif, je suis à la fois :
/ 7) celui que je me crois, / 8) celui que je voudrais qu'on me croie, / 9) celui que le photographe me croit,
/ 10) et celui dont il se sert pour exhiber son art / 11) Autrement dit, action bizarre :
/ 12) je ne cesse de m'imiter, / 13) et c'est pour cela que chaque fois que je me fais
/ 14) (que je me laisse) / 15) photographier, / 16) je suis immanquablement frôlé
/ 17) par une sensation d'inauthenticité, / 18) parfois d'imposture / 19) (comme peuvent en donner certains cauchemars).
/ 20) Imaginairement, la Photographie / 21) (celle dont j'ai l'intention) / 22) représente ce moment subtil
/ 23) où, à vrai dire, je ne suis / 24) ni un sujet, / 25) ni un objet, / 26) mais plutôt un sujet qui
/ 27) se sent devenir un objet: / 28) je vis alors une / 29) micro expérience de la mort
/ 30) (de la parenthèse) : / 31) je deviens vraiment / 32) spectre. / 33) Le photographe le sait bien
/ 34) et lui même a peur / 35) (fût-ce pour des raisons commerciales) / 36) de cette mort dans laquelle
/ 37) son geste va m'embaumer. / 38) Rien ne serait plus drôle / 39) (si l'on n'en était pas la victime passive,
/ 40) le plastron disait Sade) / 41) que les contorsions des photographes pour /
42 ) " faire vivant" : / 43) pauvres idées : / 44) on me fait asseoir devant mes pinceaux,
/ 45) on me fait poser devant un escalier / 46) parce qu'un groupe d'enfants joue derrière moi,
/ 47) on avise un banc / 48) et aussitôt (quelle aubaine) on me fait asseoir
dessus / 49) On dirait que, terrifié, / 50) le photographe doit lutter énormément pour
/ 51) que la Photographie ne soit pas la Mort. / 52) Mais moi, déjà objet, je ne lutte pas.
/ 53) je pressens que de ce mauvais rêve / 54) il faudra me réveiller encore plus durement;
/ 55) car ce que la société fait de ma photo, / 56) ce qu'elle y lit, je ne sais pas
/ 57) (de toute façon, il y a tant de lectures d'un même
visage); / 58) mais lorsque je me découvre / 59) sur le produit de cette opération, ce que je vois
/ 60) c'est que je suis devenu Tout-Image, / 61) c'est à dire la Mort en personne;
/ 62) les autres -l'Autre - / 63) me déproprient de moi-même, / 64) ils font de moi, avec férocité, un objet,
/ 65) ils me tiennent à merci, / 66) à disposition, / 67) rangé dans un fichier ,
/ 68) préparé pour tous trucages subtils ... / 69) ...C'est la façon dont notre temps assume la Mort :
/ 70) sous l'alibi dégénérateur de l'éperdument vivant, / 71) dont le Photographe est en quelque sorte le professionnel.
/ 72) Car la Photographie, historiquement, / 73) doit avoir quelque rapport avec
/ 74) la " crise de mort" / 75) qui commence dans la seconde moitié du XIX ème siècle ;
/ 76) et je préférerais pour ma part qu'au lieu de / 77) replacer sans cesse l'avènement de la Photographie
/ 78) dans son contexte social et économique, / 79) on s'interrogeât aussi sur
/ 80) le lien anthropologique / 81) de la Mort et de la nouvelle image. / 82) Car la Mort dans une société,
/ 83) il faut bien qu'elle soit quelque part; / 84) si elle n'est plus (ou est moins) dans le religieux,
/ 85) elle doit être ailleurs : / 86) peut-être dans cette image / 87) qui produit la Mort
/ 88) en voulant conserver la vie. / 89) Contemporaine du recul des rites, / 90) la Photographie correspondrait peut-être à
/ 91) l'intrusion, dans notre société moderne, / 92) d'une Mort asymbolique, /
93) hors religion, / 94) hors rituel, / 95) sorte de plongée brusque dans la Mort littérale.
/ 96) La Vie/la Mort : / 97) le paradigme se réduit à un simple déclic, / 98) celui qui sépare la pose initiale du papier final.
/ 99) Avec la Photographie, nous entrons dans / 100) la Mort plate.
Roland BARTHES La chambre claire
Jalons
Nous avons dans cette installation un ensemble de signes permettant à
chacun de construire son propre univers symbolique peuplé de mots, de dieux, de
mythes, et d'oeuvres d'arts :
L'eau de mer dans le seau quand la mer s'est retirée, est une sorte
d'échantillon, de prélèvement, de témoignage: le temps est suspendu.
Le morceau d'épave: morceau du radeau
Exposition à Saint Brévin
Travail en deux temps
I) premier temps le jalonnement (dessiner)
in situ (sur la plage)
C'est l'action, le dessin de la ligne, le marquage de l'éphémère& C'est
la trace: la laisse de marée haute.
La suspension du temps: la pétrification
Il serait intéressant de réaliser une vidéo de cette action et de demander au
club d'UlM de Saint Brévin de bien vouloir prendre des photos aériennes du
jalonnement.
II) deuxième temps la manipulation (peindre)
exposition dans une salle
re-présentation: manipulation de l'action initiale, recouvrement du temps ou le
temps retrouvé.
Installation dans un autre lieu (salle d'exposition) en un autre temps, des
divers éléments du jalonnement qui vont alors jouer le rôle de traces, de
témoignages de l' Action, et une fois dégagés du contexte dramatique,
émotionnel de la performance, fonctionneront comme des clefs sinon
explicatives, mais volontairement incitatives voire directives :
a) Les 100 portraits :
Des photos de 100 personnes (portrait) affublées d'une perruque violette :
"Méduses, malheureuses têtes
Aux chevelures violettes
Vous vous plaisez dans les tempêtes, Et je m 'y plais comme vous faites. "
G. Apollinaire
les 100 portraits sont présentés dans un format 20x30
La photo c'est la pétrification, la pétrification par le regard, l'œil/objectif
: le temps est arrêté, le sujet est figé. L'image deviendra alors une
référence (un jalon) qui mesurera le temps écoulé dans la vie de chacun (Fui
hic, j'étais présent) , on pourra dorénavant comparer,
compter les rides voir combien le temps et la vie sont sévères et impitoyables
...
Le regard de l'artiste est-il un regard de méduse ?
Se découvre alors l'ambiguïté du travail artistique :
1) L'artiste se prend pour Athéna, dieu vengeur : je modifie la Réalité, je la
transforme en image en lui ôtant la vie mais en lui conférant de nouveaux
pouvoirs, notamment sur celui qui regarde ou qui est regardé. Se pose ici le
problème du regard...
2) L'artiste se prend pour Persée et c'est au problème de la définition de l'oeuvre d'art que l'image répond ici par la fascination : c'est-à-dire une manipulation par l'artiste du spectateur considéré comme individu pensant mais en le perturbant dans sa propre histoire. La fascination n'est pas un simple processus physiologique, hypnotique, pétrifiant, ne jouant que sur le registre des sens (l'esthétisme), mais ces images font appel à la pensée et à une attitude réflexive critique: réflexive en tant qu'elle permet une réflexion, un cheminement par la pensée et réflexive narcissique car ce processus intellectuel renvoie une image miroir de soi ...
je sais que la parfaite objectivité de l'espace et du temps
est une illusion. A la fugacité irréversible du temps qui passe, j'oppose
l'éternel présent de la Photographie, une représentation statique du temps,
une pétrification.
Fixant la présence du corps, l'immobilité du visage, chaque portrait figure
par lui-même un arrêt, une interruption dans la continuité du temps. Il
entérine l'existence: le fameux certificat de présence qu'est par essence
toute photographie.
"]'appelle "référent photographique" non pas la chose
facultativement réelle à quoi renvoie une image ou un signe, mais la chose
nécessairement réelle qui a été placé devant l'objectif, faute de quoi il
n'y aurait pas de photographie. La peinture, elle, peut feindre la réalité
sans l'avoir vue. Le discours combine les signes qui ont certes de référents,
mais ces référents peuvent être et sont le plus souvent des
"chimères". Au contraire de ces imitations, dans la photographie, je
ne puis jamais nier que la chose a été là. Il y a double position
conjointe: de réalité et de passé. Puisque cette contrainte n'existe que pour
elle, on doit la tenir, par réduction, pour l'essence même, le noème de la
photographie. Ce que j'intentionnalise dans une photo" ce n'est ni l'Art, ni
la Communication, c'est la référence, qui est
l'ordre fondateur de la Photographie. Le nom de noème de la Photographie sera
donc .."ça a été", ou encore: l'intraitable. En latin cela se
dirait sans doute "interfuit" : cela que je vois s'est trouvé là,
dans ce lieu qui s'étend entre l'inf1ni et le sujet (operator ou spectator) ;
il a été là, et cependant tout de suite séparé; il a été absolument,
irrécusablement présent, et cependant déjà différé. C'est tout cela que
veut dire le verbe intersum."
Roland Barthes
Dans ce rendez-vous que chacun a eu avec une image au passé de soi, c'est l'ellipse qui est importante, l'entre deux, maintenant et jadis, qui donne à voir que le temps a passé, que les choses ne seront plus jamais comme avant, qu'elles ne sont plus qu'un souvenir, que chaque instant produit déjà lui-même son après. Chaque portrait est une coupure instantanée, une suspension de la durée, une mort plate.
b) 100 photos noir et blanc de 100 méduses échouées sur la plage faisant réponse aux 100 portraits (même format, même présentation). La date de cette action-exposition ne doit pas correspondre avec la période d'échouage des méduses. Ce décalage dans le temps permet de créer un rapport aux méduses qui ne sera pas uniquement géographique mais aussi temporel. La photographie étant utilisée comme souvenir, ou comme témoignage ("interfuit"). Le rapport au lieu s'en trouve enrichi car moins immédiat. Il réclame un effort intellectuel et une mise en jeu de chacun dans son histoire.
ç) Les 100 seaux retournés.
d) Au sol, les morceaux d'épave avec les phrases du texte. C'est une re-construction: les morceaux d'épave alignés au sol dans l'ordre du texte restituent la globalité du texte (forme initiale) et renseignent sur sa fragmentation (processus de destruction),
e) Les 100 frottages des morceaux d'épave ramassé,.
f) les 100 fiches signalétiques de ces morceaux d'épave
je réalise des frottages et j'établis des fiches signalétiques de tous les
morceaux d'épave que je ramasse depuis 95 (voir les catalogues des expositions
précédentes)
g) La carte du littoral où la zone d'échouage est hachurée et l'emplacement des seaux indiqué par des punaises de signalisation.
h) Le texte dans son unité (paragraphe) sera distribué aux visiteurs et servira de liant entre toutes les pièces de l'installation.
i) Proposer de la gelée aromatisée en dégustation pendant le vernissage. La texture faisant référence au corps de la méduse.
Annexe
Je joins à ce projet un extrait de l'additif au projet de Paimboeuf. Ce texte indique la véritable dimension de ma démarche artistique, sorte de vision systémique qui permet de situer précisément l'Intention artistique et ma position en tant qu'artiste.
...
Plus que le déménagement des tombes, c'est le projet d'action/exposition à
Saint Brévin l'océan (projet déposé à l'OTSI de Saint Brévin ) qui
m'amène à apporter des modifications ou plutôt des aménagements, qui
constitueront une énième version à ce projet.
extrait du projet de Saint Brévin :
Le projet "méduse(s)" a été pensé pour la plage
de Saint Brévin l'océan, et cette spécificité est un des principes de cette
démarche : un lieu, un projet, une production.
Parallèlement à ce projet j'ai déposé à l'OTSI de Paimboeuf un projet
d'exposition intitulé "Embarquement pour l'Enfer" qui prend comme
référence l'embarquement pour Cythère de Watteau. Or, à propos de la pièce
de théâtre "Méduse, scène de naufrage" présenté le 10 avril 1992
à Tourcoing, Jacques Henric (l'auteur) écrit à Paul Laurent (le metteur en
scène) :
"Vous
étonnerai-je avec mon hypothèse: Géricault nous raconte d'un bout à l'autre
de son oeuvre les catastrophes dues à une terrible tempête sexuelle. Au XVIII
ème siècle, on voit s'embarquer, guillerets, hommes et femmes pour Cythère.
Au XIX ème, voyez ce qui nous revient, le joli bateau et son équipage ont subi
un méchant coup de torchon. Il
cf.
Art Press na 168, p 57 Mon travail, s'il n'est pas une confirmation directe de
l'hypothèse de Henric, l'éclaire cependant d'une lumière nouvelle.
N.B. La frégate "la Méduse" a été construite à Paimboeuf.
Si nous suivons l'idée d 'Henric, celle de lier par des
rapports de chronologie, et de causalité les deux OEuvres, Établir alors une
logique entre mes deux projets apparaît comme l'essence même de mon travail
artistique et peut- être ce qui en fait sa contemporanéité plus que
l'esthétique des installations.
La chose me paraît facile. Mais il faut faire attention à ne pas ôter
l'entité de chaque projet. Les lier certes, mais veiller à ce que chacun reste
autonome et fonctionne seul.
L'axe chronologique, tracé par Henric se renforce avec le sens de la Loire et
les positions géographiques des deux
villes: Paimboeuf étant à l'amont de Saint Brévin. Le sous-
titre du projet de Saint Brévin étant "la Mort plate" il semble
évident de lier le projet de Paimboeuf à la naissance.
Et si la naissance était un embarquement pour l'enfer ?
La vie comme l'Enfer .
La vie comme un enfer .
D'où l'idée du "rachat" que l'intervention municipale nous a permis
d'ajouter.
Paimboeuf : ville qui a vu la naissance de la Frégate "Méduse".
Saint Brévin : plage d'échouage des méduses sur laquelle je ramasse de
morceaux d'épave (peut-être celle de la frégate ...)
Comment infléchir le discours pour amener le spectateur à réfléchir à son
entrée dans la vie et lui faire découvrir qu'il y peut-être un lien avec son
passage dans la Mort. Les bouddhistes pourrait venir à mon aide ...
Les bouddhistes avec la réincarnation, mais aussi les juifs avec l'ancien
testament: Moïse échappe à la mort de tous les enfants mâles ordonnée par
le Pharaon: sa mère l'ayant confié au Nil dans son berceau.
L'enfant a donc embarqué pour la vie.
Nous tenons là l'objet clé, le chaînon discursif permettant l'ajustement
recherché :
le
berceau/barque.
Ce berceau qui, comme un papillon, change de forme tout au long de notre vie
passant de la couveuse au berceau, puis au landau, au lit, à la voiture, enfin
au cercueil. ..
Ce sont les eaux du Nil qui coulent et l'Être humain embarque pour la Vie.
Mais quelle Vie ? -
Ce sont les eaux du Styx qui coulent et l'Être humain embarque pour la Mort.
Mais quelle Mort ?
Si le fleuve s'appelle la Loire ?
...
"Embarquement pour l'Enfer" va nous permettre réfléchir à cette
question. Et cette réflexion sera complétée par l'exposition de Saint Brévin.
C'est précisément l'interférence des deux réflexions proposées qui est ma
véritable intention artistique.
...