MAILLIEZ Philippe
Le Hangar
Paimboeuf du 15 au 24 mars 2002
Et le poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter comme un grand lys.
La découverte par Philippe MAILLIEZ de pierres tombales dans le remblai de la Loire à Paimboeuf, juste en face des torchères de Donges, il y a trois ans déjà, va permettre à l'artiste de concevoir un projet d'installations. L'intervention de la mairie qui fit enlever ces pierres peu de temps après, a modifié ce projet. Depuis, les idées se succèdent, la production d'œuvres, de photos, d'esquisses, les collections d'objets … s'étoffent. La pensée tour à tour s'obscurcit, décante et s'éclaircit.
De récents événements dramatiques, noyades, ont ravivé l'envie de concrétiser ces projets en les présentant publiquement et l'ont même transformée en besoin.
L'eau pourtant source de vie, charrie des morts qui passent flottant comme des troncs d'arbres arrachés.
Der Strom trägt weit sie fort, die untertaucht,
Durch manchen Winters trauervollen Port.
Die Zeit hinab. Durch Ewigkeiten fort,
Davon der Horizont wie Feuer raucht.
Loin l'emporte le fleuve, elle qui s'enabîme
Par des darses endeuillées de maints hivers,
Elle descend le temps. Par des éternités
Dont l'horizon là-bas fume comme un brasier.
Un petit rappel concernant l'œuvre de Philippe MAILLIEZ et quelques conseils pour la lecture de ce qui est présenté en ce moment au hangar. Philippe Mailliez a réalisé ici une installation d'objets. Ce n'est pas sur le sens même de chaque objet qu'il faut s'interroger mais sur les rapports que ces objets ont les uns envers les autres, des rapports spatiaux, sémantiques ou structurels : des rapports de juxtapositions, d'associations, d'oppositions… il ne s'agit pas en effet de symboles mais de signes proposés en système. C'est donc un questionnement sur ce système qui doit faire entrer celui qui regarde en "raisonnance" (cf. Touratier).
Ainsi l'Art ne demande pas que le travail du regard; ni même celui de tous les sens que postulait Beuys ; mais le cheminement d'une conscience élaborant un savoir dont 1'oeuvre d'Art aura été la source; le facteur déterminant ...
...L'oeuvre d'art contemporain postule donc Un phénomène que j'appel1erai la "raisonnance" c'est à dire l'organisation d'un certain nombre de savoirs et d'actes par et pour lesquels se structure et se réalise 1'oeuvre qui est par cela même oeuvre d'Art; et non par je ne sais quelle application plastique."
Jean Marie Touratier "L'autre, le
regard, l'espace"
Art
Press n° 220
3 lectures possibles des œuvres de Philippe Mailliez
Si une "personne" découvre ou ressent des émotions ou des sentiments qui lui font penser à sa propre existence, à sa fin certaine, alors la lecture qui sera faite par cet "individu" qui regarde sera celle de la mort fangeuse, reprenant ainsi les termes de William Shakespeare (Hamlet).
Si les pensées de "l'esthète" le plongent dans une réflexion sur l'art contemporain, sur l'utilisation de l'image et de l'objet, sur la représentation, alors cet "érudit" fera la lecture de la mort plate décrite par Roland Barthes dans la chambre claire.
Si c'est le "citoyen" qui s'interroge sur les rapports de l'œuvre avec le lieu, l'identification des signes avec le paysage, la Loire, les pavés des quais, les torchères, l'histoire et le devenir de Paimboeuf, alors celui qui observe fera la lecture de la mort poisseuse, reprenant ainsi l'adjectif dérivé de l'article de libération (10/10/1998).
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